Ici, au coeur de l’Irlande, la nature a conservé tous ses droits. Dans un décor de rêve, vous vivrez à n’en point douter des pêches fabuleuses!
Dans le comté de Cavan, l’eau est omniprésente. Vu du ciel, ce pays bocager aux douces collines plantées de haies épaisses décline son camaïeu de bleu en une étonnante mosaïque de lacs et rivières. Le bleu, l’autre couleur, l’autre richesse du “pays vert”, terre du bout de l’horizon balayée par la houle des nuages! La frontière entre la terre et l’eau n’est pas franchement dessinée comme si les deux éléments se confondaient dans un grand éclaboussement de lumière, pour ne former qu’une seule et même entité naturelle.
A Belturbet, la rivière Erne fait la frontière avec l’Irlande du nord, avant de pénétrer dans ce même pays en formant un immense lac long de 80 km – le lough Erne – qui aboutit à l’océan à nouveau en République d’Irlande, au niveau de Ballyshanon.
La partie qui nous intéresse, à Belturbet, est un véritable sanctuaire de la nature. La rivière, large en moyenne d’une quarantaine de mètres pour une profondeur de 3-4 m (avec quelques fosses de 10-12 m), présente des berges très difficiles d’accès en raison de l’abondante végétation rivulaire. Ces ceintures végétales, longues et épaisses, impénétrables offrent des zones de frayères exceptionnelles pour le brochet et les poissons blancs, ce qui explique l’extraordinaire densité des populations piscicoles.
Revers de la médaille : compte tenu de la difficulté d’accès aux rives, une embarcation est absolument indispensable pour prospecter avec les meilleures chances de succès la multitude de postes intéressants et en particulier tous les lacs communiquant à la rivière par des chenaux. Les roselières, les tapis de nénuphars et tous les herbiers immergés n’offrent d’ailleurs pas en tous temps les meilleures possibilités si vous traquez maître Esox. Sitôt la période du frai terminée et dès que l’eau se réchauffe, les brochets regagnent en effet les profondeurs – ceci à partir de mai – et vous capturez alors les plus gros spécimens dans les fosses profondes de 8 à 12 m qu’il vous faut rechercher en utilisant l’échosondeur. Car de sacrés spécimens hantent les eaux sombres de l’Erne river, pouvant peser les 20 kg. Pour vous en convaincre, rendez une petite visite aux pubs de Belturbet. Nombre de ces honorables établissements exhibent des “poissons trophées” naturalisés aux dimensions plus qu’imposantes. A n’en point douter, l’Erne river est une des rivières irlandaises où vous aurez le plus de chances de capturer le brochet de votre vie.
Au début de l’automne, les brochets perdent toute prudence quand ils concentrent leur prédation sur les rassemblements d’alevins dans les herbiers. Toute la période estivale est sans doute la saison la moins favorable.
Le lancer aux leurres voire même la pêche à la mouche, au streamer, sont surtout rentables quand les brochets se trouvent à faible profondeur, embusqués parmi les ceintures végétales de bordure. Prospectez alors le ras des berges encombrées, les trouées dans les roselières, les cheveux peu profonds reliant les lacs au fleuve central.
Une Mepps tournante à palette feuille de saule n°3 à 5 fera l’affaire ou une Alura Fox avec sa cloche vibratoire. L’ondulante (S de Mepps, Syclop) est également meurtrière. A ce propos, n’hésitez jamais lors de vos déplacements entre deux postes à laisser filer une “traîne” armée d’ondulante… qui vous réservera d’heureuses surprises !
La technique qui vous rapportera les plus gros spécimens en profondeur, dans les fosses, est sans doute possible la pêche au mort posé, avec un flotteur coulissant en guise d’indicateur de touche. Les vrais spécialistes utilisent un “montage décollé”. Dans la mesure où l’Erne fait la frontière avec l’Irlande du Nord, la pêche au vif est plus ou moins tolérée… puisqu’elle est autorisée dans ce dernier pays. Mais à mon avis, elle ne vous rapportera pas plus de poisson que le mort posé. Enfin, bien sûr, la pêche au mort manié (sur grosses Drachko) demeure une valeur sûre y compris dans les fosses profondes… et conviendra mieux aux pêcheurs itinérants ne prisant guère les techniques statiques. Lors d’un récent séjour sur l’Erne au mois de mai, c’est d’ailleurs “le manié” qui m’a rapporté le plus grand nombre de poissons ! Parfois l’Erne s’élargit au point de former de véritables lacs enchâssés dans la verdure. Une bonne technique à mettre en Å“uvre consiste à vous laisser dériver lentement, en traînant un vif fixé sur la ligne dont le flotteur est un “insert driver” (flotteur à voile).
Outre les fosses profondes, les meilleurs postes se trouvent à l’entrée des chenaux et autres canaux reliant la rivière aux nombreux lacs disséminés aux alentours.
De nombreux postes sont aménagés avec de petits pontons pour faciliter l’accès à la rivière aux amateurs de poissons blancs. Et il vous suffira de contempler le contenu de quelques bourriches de pêcheurs à l’anglaise pour vous convaincre de la richesse des eaux de l’Erne.
La rivière Erne, c’est aussi un véritable sanctuaire de la nature. Et lors de vos déplacements en embarcation, vous serez éblouis par une avifaune exceptionnellement riche et variée : canards, oies sauvages, cygnes…. et même bernaches du Canada accompagnant vos parties de pêche. Et sur les berges de l’Erne, vous ne manquerez pas au petit matin d’observer de vrais faisans sauvages qui font si cruellement défaut dans notre pays !
En bref, un petit paradis aussi bien pour le pêcheur à la ligne que pour le naturaliste – ne sommes-nous pas souvent les deux à la fois ! – et la promesse d’un dépaysement total dans une nature vierge et préservée.
Comme vous avez pu le constater, pêcher l’Erne sans le recours à une embarcation est une entreprise vouée à l’échec. Sur les rives de l’Erne river, à Belturbet, se trouve l’un des plus beaux campements de pêche d’Irlande : International Fishing Centre. Un couple de français, Michel et Yvette Neuville, assisté de leur fils Olivier sont les responsables de ce véritable petit village pour pêcheurs où tout est mis en Å“uvre pour satisfaire les plus exigeants. Logements dans de charmants cottages individuels, cuisine française délicieuse et ambiance des plus conviviales… ceci en ce qui concerne simplement l’intendance. Car rien n’est oublié bien sûr non plus pour faciliter les démarches du pêcheur nouveau venu. Michel Neuville fournit les embarcations à moteur équipées d’un échosondeur ainsi qu’un plan détaillé illustrant les meilleurs postes de la rivière. Le fils Olivier n’hésite jamais à accompagner ses clients sur le fleuve pour leur indiquer leurs secteurs. Vous disposez en permanence de vifs contenus dans des bacs oxygénés, d’amorces et d’appâts ainsi que de tout le matériel de pêche indispensable disponible dans une petite boutique au cas où vous auriez fait un oubli fâcheux.
Après le dîner, offert dans une superbe salle décorée de poutres qui rappellent l’origine alsacienne des maîtres des lieux – et de quelques ombles trophées capturés sur l’autre camp de Michel, au grand lac des Esclaves – vous pourrez vous rendre au pub, à Belturbet… avec l’assurance d’un retour en toute sécurité car Michel Neuville organise des navettes de minicar à cet effet !
En ce qui me concerne, j’ai passé l’un de mes meilleurs séjours de pêche en Irlande à Belturbet. D’une part car le poisson se trouve en abondance dans la rivière Erne, mais sans doute surtout pour l’ambiance chaleureuse et conviviale qui règne à l’International Fishing Centre. L’organisation irréprochable mais aussi les qualités de cÅ“ur de la famille Neuville qui se dépense sans compter pour satisfaire les moindres exigences, l’accueil réservé à la clientèle – on se sent un peu en famille, en tout cas entre amis, à Belturbet – ce sont des détails… qui comptent plus que les promesses des pêches les plus fantastiques !
Dernier détail : l’éthique sportive veut qu’à l’International Fishing Centre, on pratique le no kill. Qui s’en plaindrait quand on découvre une rivière où le brochet se trouve encore en abondance, où le pêcheur le moins averti peut espérer capturer une prise trophée.
Reportage de Pascal Durantel paru dans ” La pêche des Carnassiers ” N° 8 ; Octobre / Novembre 1998